
Rapport du Conseil d'Analyse Economique sur le Financement des PME: Importance des réseaux de Business Angels
07/11/2008 11:30
Conseil d’Analyse Economique
Le financement des Petites et Moyennes Entreprises
Rapport de Grégoire Chertok, Pierre-Alain de Malleray et Philippe Pouletty
04/11/2008
Proposition 2 extraite du rapport : Encourager le développement des business angels en France :
- labelliser les réseaux de business angels et soutenir leur fonctionnement ;
- après une évaluation des effets de l’exonération d’ISF introduite par la loi TEPA
pour les investissements dans les PME, et en fonction des résultats de cette
évaluation, envisager un mécanisme d’abondement public régional ou par OSÉO
des investissements des réseaux labellisés de business angels.
L’exemple américain, mais aussi britannique, montre l’importance d’une catégorie spécifique de capital-risqueurs : les business angels . Appelés aussi investisseurs providentiels ou investisseurs individuels, ce sont généralement des entrepreneurs ou des cadres dirigeants de grands groupes ayant réussi, souhaitant poursuivre leur activité dans les secteurs technologiques qu’ils connaissent. Ils interviennent essentiellement aux premiers stades de la vie des start-ups (early stage), stades où les montants à investir se situent en-dessous des seuils d’intervention du capital-risque institutionnel (la tranche visée par les business angels est comprise entre 200 K€ et 1,2 M€).
Capital-risque par nature informel, l’activité des business angels est difficile à évaluer, mais les enquêtes disponibles montre qu’elle constitue la première source de financement des entreprises de haute technologie dans l’amorçage aux Etats-Unis (Freear et al., 2002 ; Denis, 2004). Les business angels exercent leur activité en réseau, ce qui leur permet à la fois de
garder l’anonymat pour ceux qui le souhaitent, d’être informés des nouveaux projets, et de
pouvoir être contactés par un entrepreneur lançant une nouvelle affaire. Ces réseaux, formels ou informels, sont soutenus par les pouvoirs publics aux Etats-Unis.
En France, ces réseaux se développent semble-t-il à grande vitesse. D’après les professionnels du secteur, ils sont environ 60 aujourd’hui contre 30 il y a deux ans. Le nombre de business angels répertoriés dans ces réseaux serait autour de 6 000 aujourd’hui, contre 400 000 aux Etats-Unis.
Il importe d’accompagner le développement de ces réseaux de business angels, de les rendre accessibles à l’entrepreneur en phase de création d’entreprise de telle sorte qu’il puisse entrer en contact avec la bonne personne au bon moment et de favoriser leurs relations avec les fonds de capital-risque. Un important travail a déjà été accompli par les fédérations de réseaux de business angels, en particulier par l’association France Angels, qui publie un « annuaire des réseaux de business angels » organise des « écoles des business angels », promeut la mutualisation des bonnes pratiques (« Code de déontologie » et «Charte des réseaux de business angels ») et assure l’interface entre les réseaux et les partenaires extérieurs (organismes de financement d’amorçage et de capital-risque).
Ce travail doit être encouragé par les autorités publiques, notamment par une démarche de labellisation des réseaux de business angels et par un soutien à leur fonctionnement par le ministère chargé des PME en lien avec le ministère chargé de la recherche. La labellisation pourrait être la conséquence de l’adhésion des business angels à une charte prévoyant des engagements en matière de délais de réponse, de motivation des réponses négatives, d’affichage d’objectifs, d’investissements annuels, etc.
Pour aller plus loin, il convient de se demander si la puissance publique ne pourrait pas soutenir davantage les business angels.
La voie fiscale a été explorée avec la création de la SUIR (société unipersonnelle
d’investissement à risque) par la loi de finances pour 2004 qui permet dans certaines conditions aux investisseurs providentiels de voir les distributions de bénéfice exonérées d’impôt sur le revenu, statut dont les avantages ont été renforcés par la loi de finances pour 2006. Les conséquences de l’échec prévisible de ce dispositif, qui ne prévoyait notamment aucune exonération au titre de l’impôt sur la fortune, ont été tirées à l’occasion de la loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat (TEPA), qui prévoit que 75% des sommes investies par des contribuables à l’ISF dans des PME peuvent être imputées sur l’impôt dû dans la limite de 50 000 € annuels de réduction.
Ce dispositif est intéressant, même s’il pourrait être davantage différencié en fonction des cibles concernées. Les augmentations de capital de PME à hauts risques devraient pouvoir être davantage aidées que l’échange de titre sur le marché secondaire, ou que le financement d’entreprises faiblement risquées.
Il devrait en tout état de cause faire l’objet d’une évaluation, notamment au regard de l’objectif d’augmentation du nombre des business angels, des sommes investies par ces
derniers et de la création de valeur à moyen terme. En fonction de cette évaluation, qui pourrait avoir lieu à partir de la fin de l’année 2008, si les résultats sont insuffisants, il pourrait être envisagé de renforcer le soutien public aux business angels par des mesures d’abondement régional ou par OSÉO aux sommes investies par ces derniers. Ainsi par exemple, les fonds régionaux d’amorçage ou OSÉO pourraient abonder à hauteur de 100% les investissements des réseaux de business angels labellisés, sous forme de prêts remboursables en cas de succès.
Résumé
Le constat est aujourd’hui bien partagé : les Petites et Moyennes Entreprises françaises
peinent à se développer pour atteindre la taille critique nécessaire pour devenir les
champions de demain. Les barrières sont à rechercher dans les fonctionnement des différents
marchés : biens et services, travail et financement.
Ce rapport met l’accent sur l’accès au financement sous ces différentes formes : apport de
fonds-propres, d’un côté, recours à la dette de l’autre. Grégoire Chertok, Pierre-Alain de
Malleray et Philippe Pouletty explorent différentes pistes pour abaisser les barrières :
développement du capital-risque, émergence de marchés financiers alternatifs, redéploiement
et évaluation des politiques d’aides à la R&D, réforme de la loi des faillites, essor de la dette
mezzanine et de l’affacturage.
Ce rapport a été présenté à Mrs Besson et Novelli le 4 novembre 2008, les auteurs ont
bénéficié de la collaboration de nombreux experts. Cette lettre, publiée sous la responsabilité
du CAE, reprend les principales conclusions et propositions des trois auteurs.
Les PME correspondent à une réalité très diverse, qui va de la micro-entreprise de proximité
jusqu’à l’entreprise high-tech futur leader, en passant par l’entreprise traditionnelle
solidement établie sur son marché. Parce qu’elles contribuent au renouvellement du tissu
productif et sont porteuses d’innovation, le développement des PME est un objectif des
politiques publiques. L’objet de ce rapport est d’examiner les obstacles financiers susceptibles
de brider le développement de ces entreprises et de formuler des propositions visant à
éliminer ou à contourner ces barrières.
Avant de développer l’analyse, Grégoire Chertok, Pierre-Alain de Malleray et Philippe
Pouletty rappellent les spécificités françaises en matière de financement d’entreprises. Tout
d’abord, le financement par la dette a été privilégié par rapport à celui sur fonds propres, qui
impliquent une possibilité de prise de contrôle de l’entreprise. Ce fait a bridé le
développement des marchés de fonds propres en France. Ensuite, les entreprises ont été
habituées à une intervention de l’Etat dans le domaine de la distribution de crédit. Enfin, une
moindre culture de la prise de risque a empêché que ne se développe une véritable tarification
du crédit risqué, bloquant ainsi la sélection des projets par le niveau du taux d’intérêt.
2 Le financement, une clé de la croissance des PME
Poids et dynamisme des PME françaises
Les Petites et Moyennes Entreprises (PME) françaises, entreprises dont l’effectif est inférieur
à 250 salariés, le chiffre d’affaires inférieur à 50 M€, ou le bilan inférieur à 43 M€, pèsent
pour 66% de l’emploi marchand et 56% de la valeur ajoutée marchande de l’économie
française. Mesurer la contribution des PME à la dynamique économique est délicat, car la
réussite de l’entreprise conduit souvent à ce qu’elle quitte la catégorie, soit en devenant une
« Grande Entreprise » par franchissement des seuils, soit en étant absorbée par un groupe.
Après neutralisation de ces effets, il apparaît que, sur la période 1999-2006, la croissance
nette de l’emploi des PME (13%) est bien supérieure à celle des emplois marchands (8%).
Un schéma de développement original : disparaître pour survivre
Pourtant, comparé aux Etats-Unis, au Royaume-Uni ou à l’Allemagne, la France souffre
d’une difficulté à faire croître ses PME, c’est-à-dire à transformer ses gazelles en des
« grandes » entreprises prospères et conquérantes sur les marchés internationaux. Plus que
dans les autres pays, la croissance d’une PME aboutit à sa disparition ou à sa perte
d’autonomie par absorption ou filialisation au sein d’un groupe. Pour Grégoire Chertok,
Pierre-Alain de Malleray et Philippe Pouletty, la difficulté des PME autonomes à se financer
auprès des banques ou sur les marchés financiers les pousse à rechercher le « confort » des
marchés de capitaux internes des groupes.
Le danger d’un renouvellement insuffisant du tissu productif
Ce schéma d’intégration au sein des groupes n’est pas forcément le plus mauvais, mais il
semble moins adapté dans le contexte d’une croissance qui opère par la « création
destructrice ». La croissance de PME autonome est donc un enjeu crucial des politiques
économiques, qui passe par une action simultanée sur les trois marchés : marché des biens et
services, marché du travail et marché du financement.
Le malthusianisme du marché du financement
Comment la finance contribue-t-elle à cette croissance ? Mrs Chertok, de Malleray et Pouletty
observent d’abord que la rentabilité des PME est élevé, ce qui suggère une sélectivité
excessive des marchés, principalement du marché du financement. Ils constatent ensuite que
la structure financière des PME s’est « assainie » de 1990 à 2005 par un désendettement
notamment auprès des banques. Pourtant, ce rééquilibrage du bilan en faveur des fonds
propres ne se traduit pas par davantage d’investissements, mais par une augmentation de la
trésorerie ce qui témoigne d’un comportement de « précaution » de la part des entrepreneurs.
D’un point de vue financier, les PME françaises se heurtent à une double contrainte mortifère: la réticence des banques à les financer par la dette, d’un côté, la difficulté à mobiliser des
fonds propres, de l’autre.
Ce double rationnement financier structure le rapport.
Développer les PME autonomes en favorisant le financement en fonds propres
Faciliter le recours des PME au financement par fonds propres est essentiel dans un contexte
de recul des crédits bancaires accordés. Pourtant, une entrée dans le capital implique une perte
de contrôle pour l’entrepreneur, mais des PME autonomes n’ont d’autres choix pour se
développer.
Le capital-risque
Les fonds de capital-risque participe à la chaîne de financement en apportant des capitaux aux
PME en croissance dans les phases d’expansion et développement. Agissant dans l’aval des
phases d’amorçage et de création, ces fonds prennent le relais des crédits publics ou privés
d’aide à la création et des apports personnels des entrepreneurs, de sa famille ou des
« investisseurs providentiels » (business angels). Pour l’entreprise, la sortie du capital-risque
s’effectue vers les marchés financiers (IPO : initial public offering) ou bien par un rachat par
une autre entreprise (trade sales).
Comparé aux Etats-Unis, les auteurs montrent le retard européen « continental » dans ce
domaine. La France n’est pas la plus mal armée, mais cette industrie souffre de défauts : des
équipes gestionnaires de fonds au profil trop « gestionnaire », des fonds en proximité
immédiate des banques, des synergies insuffisantes entres les universités et l’industrie, des
réseaux de business angels balbutiants, et des marchés financiers alternatifs quasi-inexistants.
Sur chacun de ces points, les auteurs effectuent des propositions pour améliorer l’écosystème
de l’entreprenariat technologique.
Des marchés financiers pour les PME ?
Les marchés financiers alternatifs ou déréglementés (Alternext à Paris, AIM (Alternative
Investment Market) à Londres) constituent plus un complément qu’une alternative aux fonds
de capital-risque pour drainer des fonds propres vers les PME. Les auteurs utilisent l’exemple
du secteur des biotechnologies pour montrer l’écart entre les Etats-Unis et l’Europe, et plus
particulièrement la France. La création d’Alternext ne suffit pas à contester la position de
leader de l’AIM sur le continent européen. Pour les auteurs, des marchés nationaux ne
peuvent atteindre la taille critique en termes de liquidité. Une initiative européenne doit être
prise pour créer un marché de valeurs de croissance à réglementations allégées commun à la
zone euro.
Les aides publiques à la R&D
Les aides publiques à la R&D relâchent la contrainte sur le financement des entreprises
technologiques. La France utilise plus que ses partenaires de l’OCDE des fonds publics pour
effectuer des dépenses de R&D : autour de 1% du PIB. Globalement, cette dépense publique
n’opère pas comme un levier sur le niveau des dépenses privées en R&D, puisque la première
a augmenté alors que les secondes stagnent. Grégoire Chertok, Pierre-Alain de Malleray et
Philippe Pouletty s’interrogent alors sur la manière dont cette dépense est dirigée vers les
entreprises en fonction de leur taille et de leur secteur d’activité.
Les comparaisons internationales ne sont pas aisées, mais les auteurs observent que la France
présente un déficit de dépenses en R&D pour les entreprises de taille moyenne (entre 50 et
500 salariés). Pourtant ces entreprises profitent moins des dispositifs d’aide publique que les
plus grosses. La réforme du crédit impôt recherche (CIR) intervenues au cours de l’année
n’est pas susceptible d’inverser ce phénomène puisqu’elle est davantage axée sur les
entreprises dont l’effectif salarié est supérieur à 1000.
Par ailleurs, il apparaît que les aides à la R&D sont concentrés dans quelques secteurs. Ainsi
les industries automobile et pharmaceutiques, qui pèsent 30 % dans les dépenses intérieures
de R&D, reçoivent seulement 2,9 % des aides publiques hors CIR.
L’efficacité de la dépense publique en R&D doit être évaluée, ce qui permettrait de mieux la
diriger notamment vers les PME.
Orienter l’épargne vers les PME
La difficulté des PME à obtenir des fonds propres est liée à la manière dont se structure
l’épargne des ménages entre les différents placements (logements, assurance-vie, valeurs
mobilières, épargne salariale,…). Malgré la multiplication des incitations fiscales en faveur
des placements dirigés vers les PME (création des FCPR, des FCPI et des FIP, dispositif
Madelin, disposition ISF de la loi TEPA,…), la défiscalisation en matière d’épargne favorise
des placements peu risqués tels les contrats d’assurance-vie ou bien des placements
immobiliers (aides Robien, Borloo, dispositif Girardin pour les DOM,…) et mobiliers (navire
de pêche, groupements forestiers) plutôt qu’un investissement productif plus risqué. Les
auteurs proposent que les professionnels de l’assurance-vie s’engagent à investir une fraction
de leurs actifs dans les PME innovantes. Ils demandent à ce que les dispositifs de fiscalisation
favorables au PME gagnent en unité et soient systématiquement évaluées.
4 Les obstacles au financement par la dette
Crédit bancaire et juste prix du crédit
La banque continue en France à être le partenaire privilégié des PME pour leur financement.
Certains signes montrent pourtant que ce marché du financement fonctionne mal, et qu’il
apparaît des phénomènes de rationnement du crédit. Selon une étude citée par le rapport, 40 %
des PME françaises auraient estimé sur la période 1985-1995 ne pas avoir eu accès au crédit
tout en étant prêtes à en payer le prix. L’extension des prêts CODEVI aux PME des secteurs
du commerce, intervenue entre 1993 et 1995 s’est traduite par une hausse de 4 % de
l’endettement des entreprises concernées, conséquence d’un relâchement de la contrainte du
financement.
On trouve également trace du rationnement en examinant le fonctionnement du couple risque - rendement, c’est-à-dire du niveau des primes de risque exigées par les banques au regard des
activités des entreprises concernées. Ces primes sont étonnamment faibles, ce qui montre que
les banques préfèrent renoncer à distribuer un crédit plutôt qu’à encaisser la prime de risque.
Ce rationnement conduit à une sélectivité excessive des entreprises et à des défaillances
prématurées : une entreprise défaillante sur deux a moins de 4 ans d’existence.
Le contexte réglementaire
Même s’il est inhérent à la relation financeurs-financés, l’importance du rationnement du
crédit est liée à l’environnement réglementaire. Plusieurs pistes sont explorées dans le rapport.
Tout d’abord, la réglementation de l’usure fixait un plafond au niveau du taux d’intérêt. Cette
réglementation a été réformée en 2006 par les lois Dutreil, et il semble que cette réforme porte
aujourd’hui ses fruits. Ensuite, le droit de la défaillance d’entreprises en France ne favorise
pas les créanciers. Ce droit pousse les banques à exiger des collatéraux importants dans les
opérations de crédit. Pourtant, le taux de recouvrement des créances en cas de faillite est
plutôt faible en France. Plus grave, les redressements, lorsqu’ils s’opèrent, débouchent moins
qu’au Royaume-Uni sur la survie de l’entreprise et la sauvegarde de l’emploi. Malgré
quelques avancées récentes, les auteurs préconisent d’accroître la protection des créanciers. Ils
visent en particulier le « super privilège » de l’AGS (Association pour la Gestion du régime
de garantie des créances des Salariés). Enfin, la dernière cause du rationnement est à
rechercher dans la structure concurrentielle de l’industrie bancaire et des établissements de
crédit. La PME est très souvent mono-bancaire, ce qui peut témoigner d’un pouvoir de
marché exercé par la banque. On sait que les établissements répercutent peu le coût de la
ressource sur le niveau des taux d’intérêt débiteurs. Il apparaît également que les banques
abaissent leur marge sur la distribution de crédits en favorisant les opérations les moins
risqués, tout en augmentant les prélèvements sur d’autres opérations. La sous-tarification du
risque est amenée à se réduire avec la mise en place des règles prudentielles Bâle II, qui
prévoit de faire évoluer le capital réglementaire avec le niveau de risque du crédit. Les auteurs
proposent d’accroître la concurrence sur le marché du crédit en autorisant des entreprises non bancaires, correctement réglementées et supervisées, à entrer sur ce marché. Cela concerne le
crédit-bail et l’affacturage mais surtout le développement de fonds proposant de la dette
mezzanine. Ce type de dette, à mi-chemin entre les fonds propres et la dette bancaire, est très
adaptée au financement d’entreprises émergentes dont le collatéral est par nature réduit.
Quelles interventions publiques ?
L’Etat doit adapter la réglementation pour ne pas favoriser le rationnement du crédit aux
PME. En même temps, l’origine ultime de ce rationnement tient aux asymétries d’information
qui caractérise la relation investisseur-entrepreneur, et qui sont exacerbées dans le cas de
PME et d’entreprises en croissance. Une réponse pertinente à ces imperfections est de mettre
en place des systèmes de « prêts garantis » plutôt que d’accorder des « prêts bonifiés » ou des
« prêts fléchés ». Le dispositif français en la matière est piloté par OSEO-Garantie et va dans
le bon sens. Il semble pourtant que ce dispositif pourrait encore être amélioré en tarifant à un
niveau un peu supérieur l’octroi de la garantie.
Grégoire Chertok, Pierre-André de Malleray et Philippe Pouletty évoquent une autre voie
consistant à faire émerger une forme de marché obligataire à disposition des PME en
s’appuyant sur la dette mezzanine. Un marché obligataire traditionnel est exclu pour des
entreprises de taille moyenne. Le développement de la dette mezzanine est favorisé par des
opérations de titrisation comme c’est le cas aujourd’hui en Allemagne ou en Espagne. L’Etat
intervient en standardisant les véhicules de titrisation, en mettant en place des fonds communs
de créance, et en proposant de garantir auprès des investisseurs certaines tranches de la dette
titrisée. Au sein de ce dispositif, OSEO-Garantie occuperait une place centrale.
La question des délais de paiement
Le montant des encours de crédit commercial représente en France 600 milliards d’euros, un
montant quatre fois supérieur à la dette des entreprises auprès des institutions financières. Le
financement inter-entreprise est ainsi un enjeu crucial, et sur ce terrain le débat public
concerne les délais de paiement. La France se caractérise par des délais de paiement
relativement longs (66 jours) et quelquefois mal respectés. Selon l’Observatoire des délais de
paiement, cette situation pénalise davantage les PME que les grandes entreprises. Deux
mesures sont susceptibles d’améliorer cette situation. La première consiste à réduire les délais
de paiement de la sphère publique. La seconde porte sur le développement de prestations
financières externes aux PME comme l’affacturage. Dans les pays du nord de l’Europe, ces
techniques ont permis de réduire sensiblement les délais de paiement. Les auteurs préconisent
de soustraire à l’impôt sur les sociétés une partie des frais d’affacturage.
Commentaires du rapport
David Thesmar est sceptique quant à l’existence d’un problème de financement spécifique
aux PME et qui viendrait légitimer l’intervention publique. L’asymétrie d’information entre
l’entrepreneur et son investisseur est certes exacerbée pour les PME, mais l’intervention
publique s’y heurte plus qu’elle ne la réduit. Il cite à ce sujet l’impact réduit de
l’élargissement, intervenu en 1995, de la garantie SOFARIS sur le niveau de l’emploi des
entreprises concernées.
Pour David Thesmar, le développement du capital-risque est entravé par la faiblesse des
rendements distribués aux investisseurs. Si, à rebours de l’idée de rationnement du crédit, la
faiblesse des rendements provient d’un manque de rentabilité des PME, alors il serait néfaste
de pousser les assureurs à investir davantage sur ce compartiment.
Il considère que le recours à des formes hybrides de dette (dette mezzanine) est une piste à
explorer, qui aurait mérité de plus grands développements. Enfin, il met en avant deux
« pépites » de ce rapport. D’une part, David Thesmar est en accord avec les auteurs sur la
nécessité de voir les créanciers hypothécaires mieux placés en cas de faillite. D’autre part, il
considère que le développement de l’affacturage serait une bonne manière de réduire les
besoins en fonds de roulement.
Philippe Trainar considère que ce rapport est pertinent par son analyse et problématique par
les propositions qu’il préconise. En effet, le lien entre sous-performance des PME et
défaillance des marchés, qui légitime l’intervention publique, n’est pas solidement établi par
les auteurs du rapport. Il s’inquiète alors de l’efficacité des avantages fiscaux à accorder et
plus particulièrement du redéploiement vers les PME des dispositifs d’aide à la R&D. Ces
dispositifs, et notamment le crédit impôt recherche, n’ont pas vocation à aider une catégorie
particulière d’entreprises. Philippe Trainar considère que certaines analyses effectuées dans le
rapport auraient pu être plus approfondi. Ainsi le constat d’un insuffisant investissement des
sociétés d’assurance vie dans le capital des PME est-il à nuancer.
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