
Innovation et Valorisation de la recherche
04/10/2011 18:37Aux Etats-Unis on se demande comment soutenir les entreprises innovantes de Biotechnologie.
Rendre attractif ce secteur pour les investisseurs privés est un véritable choix stratégique de l'Administration.
Espérons que nous n'attendions pas 10 ans en France pour s'inspirer de certaines bonnes pratiques desquelles s'inspirer....
Innovation et Valorisation de la recherche
Redynamiser le financement des entreprises de biotechnologie : les propositions de BIO
https://www.bulletins-electroniques.com/actualites/67810.htm
Le secteur des biotechnologies, malgré un potentiel de croissance indéniable, reste très risqué pour les investisseurs:
- Sur le court terme, puisqu'aux premiers stades du développement des entreprises du secteur, les coûts des investissements sont très importants et que les premiers produits n'arrivent sur le marché qu'après de longues périodes d'expérimentation.
- Sur le plus long terme, car les difficultés de mise sur le marché des produits font courir un risque important quant à leur viabilité sur le plan commercial.
Malgré la volonté affichée de soutenir l'innovation dans ce secteur, les stratégies mises en oeuvre par l'Etat fédéral continuent de souffrir d'un manque de cohérence. Ces différentes stratégies ne tiennent pas suffisamment compte des spécificités du secteur. Parmi elles, il y a l'importance des questions de propriété intellectuelle ou les coûts de développement inhérents à cette industrie de pointe. Dans un précédent bulletin électronique [1], nous avions ainsi insisté sur les besoins en financement des petites entreprises de biotechnologie.
"Biotechnology Industry Organization" (BIO), fondée en 1993 [2], s'est imposé comme le plus important groupe de pression du secteur des biotechnologies. BIO a un double rôle : il influe sur les réformes ou projets, notamment sur la FDA, et oeuvre au développement de politiques ambitieuses quant au développement du secteur. Sa mission est donc de soutenir d'une seule voix les intérêts de l'ensemble des entreprises du secteur, start-ups comme multinationales. Avec le soutien de l'ancien directeur du NIH [3], Dr Elias Zerhouni, BIO a récemment rédigé un rapport intitulé "Unleashing the Promise of Biotechnology". Ce texte met en avant plusieurs propositions visant à redynamiser le financement du secteur des biotechnologies et à faciliter la commercialisation des produits issus des biotechnologies pour les cinq ans à venir. A cet effet, BIO a interrogé de nombreux leaders d'opinion du secteur.
Le rapport, rendu public au cours du meeting annuel tenu en juin 2011 par BIO [4], met l'accent sur deux étapes clés du développement des entreprises du secteur:
- les premiers stades de développement, où, comme nous l'avons vu, l'entreprise doit faire face à des coûts de développements importants, de nature à rebuter d'éventuels investisseurs et où elle est peu rentable sur le court terme, et
- l'étape de mise sur le marché, où l'entreprise est confrontée à des risques importants sur le plan commercial.
Dans la pratique, les principales propositions de BIO ouvrent d'intéressantes perspectives quant au développement des entreprises du secteur des biotechnologies. Présentons-les succinctement.
Dans un précédent bulletin électronique [5], nous mettions en avant les difficultés rencontrées par les petites entreprises du secteur des biotechnologies pour attirer les investisseurs privés. Là encore étaient mis en cause "un horizon d'investissement trop long et des volumes unitaires d'investissement importants associés à des risques trop élevés". Le rapport de BIO envisage plusieurs séries de mesures destinées à attirer les investisseurs vers les biotechnologies :
- Pour inciter les investisseurs providentiels ("angels") à investir dans les entreprises de biotechnologie dans les phases précoces de leur développement, c'est-à-dire à un moment où l'investissement est alors risqué et peu rentable à court terme, BIO préconise un crédit d'impôt d'un montant atteignant 50% de leur investissement. Une telle politique a déjà été menée avec succès par l'Administration américaine [6] en vue de favoriser l'investissement dans les start-ups : le "small act job" proposait ainsi des crédits d'impôts aux "anges" s'ils réalisaient des investissements entre septembre et décembre 2010. Ce programme a été un véritable succès. Il a permis à un grand nombre de start-ups en cours d'évaluation de recevoir des fonds plus rapidement que prévu.
- Un ambitieux programme de financement des entreprises par l'Etat fédéral est aussi évoqué. Il viserait tout simplement à soutenir l'investissement privé en le doublant d'un financement public pour un montant égal.
Sur le plan financier, de telles mesures sont ambitieuses car elles laisseraient d'importantes prérogatives aux investisseurs privés dans le pilotage de l'investissement au sein du secteur.
Plusieurs mesures sont également proposées à destination des entreprises elles-mêmes. Parmi les principales:
- BIO souhaite que l'Administration autorise les entreprises de biotechnologie à reporter d'une année sur l'autre les réductions d'impôt dont elles bénéficient. Une telle politique permettrait d'étaler sur plusieurs années l'aide au développement de ces entreprises.
- Une part non négligeable du chiffre d'affaires des petites entreprises de biotechnologie provient des collaborations qu'elles entretiennent avec les grands groupes du secteur. Afin de favoriser ces collaborations, BIO recommande d'inciter fiscalement les multinationales à rapatrier leurs actifs financiers de l'étranger afin de financer de tels projets de collaboration aux Etats-Unis.
- Au cours des premiers stades de leur développement, la principale source de revenu des entreprises du secteur des biotechnologies est la valorisation de leurs actifs immatériels, et notamment des brevets. Une des propositions phare de BIO est donc la diminution du taux d'imposition sur les bénéfices générés par ces brevets.
- Enfin, BIO propose d'autoriser le recours à des amortissements accélérés, afin de favoriser l'investissement dans les entreprises du secteur.
Si les biotechnologies jouent un rôle important dans le secteur des industries de la santé (biotechnologies rouges), elles ont également des répercussions sur les secteurs de l'environnement, de l'agriculture, de l'agro-alimentaire (biotechnologies vertes) en plus d'intervenir dans la mise au point de processus industriels innovants (biotechnologies blanches). Le financement de l'innovation dans ces secteurs, tout particulièrement dans l'environnement et l'agriculture, est très dépendant des programmes fédéraux. Les propositions de mesures présentées ci-dessus profitent essentiellement aux biotechnologies rouges. Les biotechnologies vertes ne sont pourtant pas oubliées dans le rapport de BIO, qui s'attache à proposer plusieurs mesures visant à renforcer la cohérence des différentes actions fédérales destinées à soutenir le développement de la bio-économie :
- Afin d'assurer le développement de produits viables et de qualité, BIO préconise que l'Administration finance un certain nombre de projets de démonstration, dont le but serait de promouvoir les bonnes pratiques en matière de développement des nouveaux biocarburants et des énergies vertes.
- Dans l'optique de diminuer la dépendance de l'économie vis à vis du pétrole, BIO propose la mise en place de crédits d'impôts sur la production des biocarburants.
- Le rapport propose également de favoriser la réhabilitation d'anciens sites de production pour intégrer les nouvelles générations de procédés capables de produire des biocarburants et de nouvelles énergies vertes. Un total de 100 millions de dollars en subventions pourrait être alloué à cette politique de réhabilitation.
- Enfin, il paraît essentiel aux yeux de BIO d'établir un programme au sein de "l'Environmental Protection Agency" (EPA) qui puisse certifier que les nouveaux biocarburants et énergies vertes allent dans le sens de la protection de l'environnement.
Là encore, les propositions de BIO sont très ambitieuses sur le plan financier. Dans un contexte budgétaire difficile - nous évoquions récemment une probable baisse des financements fédéraux à la R&D dans un de nos bulletins électroniques [7] -, alors que Démocrates et Républicains restent divisés sur les mesures à adopter pour réduire le budget du pays, la marge de manoeuvre de l'Etat Américain quant au financement des mesures préconisées semble bien étroite...
--
[2] Son président actuel est le politicien James C. Greenwood, ancien représentant républicain de l'Etat de Pennsylvanie à la Chambre des représentants des Etats-Unis de 1993 à 2005.
[3] NIH : National Institue of Health
—————